Fable de St Valentin

Une attirance secrète. Vous la croisez de temps à autre chez des amis. Quand elle vous frôle ou vous regarde, vous frissonnez. Quand elle vous parle, vous vous liquéfiez. Votre pauvre cerveau saturé de phényléthylamine et d’endorphines s’affole, et la pompe suit le mouvement. Vous êtes atrocement timide, et elle reste à ce jour persuadée que vous souffrez d’une étrange fièvre ramenée des Tropiques. En tout cas, c’est l’explication désastreuse que vous avez bafouillé quand elle vous a demandé si tout allait bien, inquiète de voir suer, rougir et trembler.

Si vous n’aviez pas si peur, vous vous jetteriez à ses pieds, vous chanteriez sous son balcon, vous lui enverriez une lettre enflammée. Mais même un mail ou un sms, vous n’osez pas. Le plus téméraire que vous ayez tenté a été d’aimer toutes ses photos de profil sur Facebook, en espérant qu’elle saisisse l’allusion subtile.

Depuis, elle vous évite soigneusement. Si vous n’étiez pas déjà si fragile, je vous dirais qu’elle vous a pris pour un pervers et un harceleur. Alors que vous êtes juste fébrile, désorienté et impuissant à vous déclarer. De la sérénade au sms, rien ne vous protégera jamais contre le rejet. Oui, la déclaration reste risquée, mais c’est aussi ce qui fait le charme du jeu de séduction. Vous n’en êtes pas convaincu, vous ne voyez rien de charmant dans le doute, l’incertitude et la souffrance silencieuse.

Aimez jusqu’à la lie, et dites-le, que diable. Mettez-y des mots, des vrais! Des mots brûlants ou caressants, mais qui retournent les tripes, qui déboussolent, qui atomisent, qui coupent le souffle. Ou alors n’aimez pas, et taisez-vous. Le vrai romantique est angoissé, torturé, il a une peur panique de ne pas être aimé en retour, mais il jette néanmoins son coeur dans la bataille, il prend tous les risques, et il s’exprime, avec ses propres mots. Peu importe qu’il soit gauche ou qu’il n’ait pas le talent d’un Lamartine, s’il est déraisonnable, imprévisible, incohérent, touchant.

« Je traite mon coeur comme un petit enfant malade. Je lui cède en tout » (Goethe).

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