Archives mensuelles : mars 2020

Le grand retour du téléphone

Je ne sais pas vous, mais j’ai passé plus de temps au téléphone depuis le début de cette crise sanitaire que pendant les 5 dernières années. Et bizarrement, je retrouve les joies de ce mode de communication.

Pendant des années, j’ai haï le téléphone. Je prévenais ma famille et mes amis de ma détestation, et je faisais de la résistance en répondant le moins possible aux appels. En amont, je demandais à ne pas être contactée par ce biais. Je ne supportais pas d’être au service de cette sonnerie intempestive, se manifestant forcément au mauvais moment ; je ne voulais pas être esclave de cet engin tyrannique.

Tout a changé, évidemment.
Les appels téléphoniques ont remplacé les séances, les assemblées générales, les comités, les pots entre amis, les tendres discussions sur l’oreiller. La voix a remplacé la bise, l’accolade, le tendre baiser, le corps à corps.

Auparavant, la sonnerie du téléphone provoquait chez moi une tension, une angoisse ; je me sentais piégée. Aujourd’hui, c’est un bonheur, je me réjouis de cette parenthèse de contact humain vibratoire qui casse ma solitude forcée.

Les appels commencent même à être plus nombreux que les écrits, tellement il me semble que cela nous fait du bien de nous entendre. Les appels sont tellement nombreux que l’oreille ne supporte plus le contact de l’engin ; le casque audio est devenu obligatoire pour tenir sur la durée.

Tou en parlant, on continue de vivre, on se déplace, on cuisine, on met une lessive, on nourrit le chien. Ou alors on se love sur le canapé ou dans le lit et les mots s’échappent, se libèrent et fusent, alors que le corps se prélasse, s’abandonne.

Nos voix, notre lien…

Le point virgule

Ayant été emportée récemment par une représentation « La fausse suivante » de Marivaux, j’ai eu soudain envie de vous parler du point-virgule, un signe de ponctuation omniprésent chez ce dramaturge.

Il n’a pas la timidité et la discrétion de la virgule, ni le côté péremptoire et définitif du point ; mais une élégance et un charme totalement absents de son prévisible et trop explicite cousin le deux-points.

Le point-virgule vous incite à respirer, à reprendre votre souffle, à assimiler le sens de ce qui le précède, avant de vous laisser découvrir ce qui lui succède.

Le point-virgule est un pont, un lien discret entre deux idées, qui pourraient vivre l’une sans l’autre, mais qui grâce à lui se complètent et s’enrichissent.

Notre tendance actuelle à l’efficacité et la simplification ne réussit pas au point-virgule ; il est négligé, ignoré, renié. Pour compenser cette indifférence, je l’utilise à tout va dans mes écrits. Les puristes du langage diront que c’est souvent à mauvais escient, je préfère penser que je lui invente de nouveaux usages…

Et si on mettait un peu plus de point-virgules non seulement dans nos écrits, mais aussi dans nos conversations ? Une petite inspiration, un léger sourire, un air rêveur fugace, avant de laisser les idées et les mots continuer leur course vers l’illustration du propos…

Le droit au paysage

Nous avons la chance en Suisse d’avoir une nature et des paysages exceptionnels, que l’on peut aisément sillonner à pied, grâce aux 65’000 km de balisage officiel (à titre de comparaison, notre réseau routier en compte 71’540), créé et entretenu par près de 1500 bénévoles de l’association Swiss Rando. Savez-vous que ce réseau pédestre unique au monde est protégé aujourd’hui par notre Constitution ?

En 1979, le peuple suisse acceptait un nouvel article constitutionnel sur les chemins pédestres, grâce à deux hommes, Hugo Bachmann et Hans Ehrismann. Ils ont mené un long combat pour protéger ce patrimoine, car avant cette date, les chemins n’existaient pas légalement. Ils pouvaient être laissés à l’abandon, goudronnés, ou même supprimés pour laisser place à des constructions. Sans moyens, aidés au départ de leurs seules familles et amis, Hugo et Hans ont lancé leur initiative fédérale, sous l’oeil moqueur du Conseil fédéral de l’époque, pour qui les sentiers (tout comme les pistes cyclables) n’avaient rien à faire dans la Constitution.

Le combat acharné de ces idéalistes s’est terminé, après moult péripéties, par une victoire foudroyante : 77% du peuple suisse s’est rangé de leur côté. Une loi fédérale de création, entretien et promotion des chemins pédestres a suivi en 1985. Aujourd’hui, la Suisse est le seul pays au monde à avoir ancré son réseau de sentiers dans sa Constitution, et ce contexte historique doit nous permettre de réaliser que nous disposons là d’un véritable trésor.

Les communes ont leur rôle à jouer dans la préservation et la promotion de ce bien collectif. Car les chemins de randonnée pédestres ne sont pas seulement situés dans la nature, mais également en milieu urbain. Chaque commune, de la plus urbanisée à la plus campagnarde, est constellée de panneaux indicateurs jaunes, de losanges et autres marquages à la peinture. Ils font tellement partie de notre paysage quotidien que nous ne les voyons plus.

Les collectivités publiques doivent assurer à la population un accès piéton sûr et agréable au sein de leur territoire, en préservant et en créant des lieux naturels de proximité (comme l’accès public aux rives du lac bien sûr pour les communes concernées) et en les reliant entre eux par des chemins pédestres bien aménagés et si possible accessibles à tous.