Archives mensuelles : juin 2018

Derrière

Derrière le voile, un écran de fumée. La fumée d’une cigarette, des volutes qui envoûtent, qui hypnotisent, qui détournent le regard de l’essentiel. Une bouche carmin qui se contracte, puis se détend, prend la forme d’un O, pour exhaler un soupir opaque et gris. Il aimerait tant qu’il soit éternel, mais il s’éloigne, se dissipe.

Derrière l’écran de fumée, les illusions. Celles qui maintiennent en vie, ou en tout cas qui permettent de mimer la vie. Les illusions peuvent être une profession de foi, comme un acte de désespoir. La perte de l’une laissant la place à l’autre.

Derrière les illusions, le mensonge, ou sa version sans courage ni inventivité, l’omission. Jardin secret, diront certains. Saletés cachées sous le tapis diront d’autres. Le mensonge qui endort en prétendant réveiller, qui fourvoie en prétendant sauver, qui prétend libérer pour mieux posséder.

Derrière le mensonge, le mal-être. Etre soi ne suffit pas, ne suffira jamais. Il faudrait détruire, faire table rase pour se réinventer, et non cacher pour se redéfinir. Mais c’est trop tard, le processus est enclenché depuis bien trop longtemps. Une marionnette qui contrôle ses propres ficelles, mais dont les gesticulations pathétiques ne font que brasser de l’air.

Derrière le mal-être, la fracture, la faille. Une plaie chaude, palpitante, fascinante de beauté crue. On voudrait presque s’y abreuver, s’y lover, s’y fondre. Au milieu des chairs révélées, tout oublier. L’empathie jusqu’à l’osmose, ou jusqu’à la folie.

Il faut pourtant s’en extraire, à regret. Déchirer le voile, non pas pour panser la blessure, déjà nécrosée, mais pour espérer retrouver la lumière.