Archives mensuelles : mars 2014

Un père pédant raconte à sa péronnelle de fille le jour de sa naissance

Le plus beau cadeau que mon père m’ait fait…. le récit de ma naissance.

Quand le dix-neuf le jour se leva sur Marseille,
Un mistral léger agitait le soleil.

Son souffle chevauchait les arbres du Prado
Et blanchissait à peine le bleu pâle des eaux
Où les îles émergeant dans le petit matin
Se couronnaient bientôt d’une frange d’étain.

Mars avait renoncé à son humeur fantasque
Et souriait enfin en soulevant son masque.
Et moi je m’éveillais songeant à mon labeur,
Esclave gémissant qui maudit son malheur.

O fortune sévère, ô destin tout-puissant
Qui avez fait de moi un vendeur de pansements!
J’allais par toute la ville grimpant les escaliers
Toujours suppliant et toujours humilié.

Ployant sous le fardeau de ces objets infâmes
J’écumais les cités en escroquant les femmes.
Victimes trop candides qui cassaient leurs croustilles
Et me donnaient trois francs pour nourrir ma famille.

Famille? Non, point encore, Car nous n’étions que deux,
Pauvres et innocents, pour tout dire, bienheureux,
Créatures ignorantes, soumises à la Nature
Qui nous poussa bientôt à la progéniture.

C’est pourquoi, ce jour-là, à Sainte-Marguerite,
Ta mère, la sainte femme, ô qu’elle a du mérite!,
Sur le petit lit blanc d’une modeste clinique
S’apprête à mettre au monde la maman de Loïc.

Oui, c’est le dix-neuf mars, et l’on m’en avertit.
Dans le tram, aussitôt, bondissant, je partis.
Il n’était pas six heures et le soleil encore
De ses rayons ultimes éclairait le décor.

La science n’avait point trouvé l’échographie,
Et le mystère régnait aux portes de la vie.
Tout revêtu de blanc, tout tremblant d’émotion
On me fit assister à la parturition
Sur l’ordre impératif d’une sévère sage-femme
Dont les yeux courroucés semblaient jeter des flammes.

O tu ne tardas point à venir en ce monde!
Tu semblais bien pressée de te joindre à la ronde.
Nous pleurâmes, je l’avoue, quand pour la première fois
Tes cris nous firent comprendre que nous étions bien trois.

C’était un dix-neuf mars, il y a vingt-neuf ans,
Le mistral en soufflant a fait fuir le temps
Mais la mer toujours s’illumine et se teint
Des feux éblouissants du soleil qui s’éteint.

Jean Armand, 19 mars 1995