Archives mensuelles : janvier 2014

Une nouvelle nuisance : le clubbing d’altitude

Pour convaincre les jeunes adultes de se remettre aux sports d’hiver, certaines stations, en France comme en Suisse, ont trouvé la solution: transformer les terrasses de leurs bars d’altitude et le bas de leurs pistes en boîtes de nuit à ciel ouvert.

La neige se faisant plus rare et la crise aidant, le nombre de skieurs, qui était en forte progression depuis 30 ans, est en train de stagner, et a même drastiquement diminué en ce qui concerne les jeunes (-30% en dix ans). Attirer une nouvelle clientèle, pour les grands domaines qui ont fait des investissements lourds, est parfois devenu une question de survie. 



Eh oui, il faut divertir, occuper, proposer des activités « fun ». Les jeunes ne vont pas à la montagne pour y trouver de la tranquillité et y entendre les marmottes, mais pour s’y amuser. Partout, sur les pistes comme au bas de ces dernières, on est assailli par la musique techno et entouré de jeunes fêtards déchaînés. Les bars extérieurs avec plancher pour danser y sont devenus monnaie courante, tout comme les « Snow parcs » envahis de décibels agressifs dont les basses se diffusent sur toutes les pistes attenantes. En haut, on boit (beaucoup), puis c’est le ballet des motoneiges et des pisteurs pour redescendre les skieurs avinés, devenus dangereux sur les pistes. En bas, les after se prolongent, et ça hurle jusqu’à point d’heure dans les rues des stations.

Skieurs alcoolisés

Certains grands domaines skiables sont même devenus de véritables parcs d’attraction. Pour exemple, la « Folie douce », un célèbre bar d’altitude de Val Thorens (www.lafoliedouce-valthorens.com), où se déroulent d’immenses after ski parties quotidiennes avec DJS stars, dancefloor, musique à fond, alcool coulant à flots, et jolies filles en petite tenue. Ce concept connaît un tel succès depuis quelques années qu’il a même essaimé sous forme de franchises dans d’autres grandes stations comme Méribel ou Val d’Isère. Et après les fiestas, c’est une mer de canettes, verres et mégots digne des plus grands festivals qui témoigne de la folie techno de la journée.

Conséquence directe de cette nouvelle façon d’envisager les sports d’hiver? Une nette augmentation de skieurs alcoolisés sur les pistes, avec chaque année, en France comme en Suisse, des hypothermies ou des accidents graves lors des retours en station, dus à la consommation d’alcool et de cannabis. Le Bureau de prévention des accidents (BPA) s’inquiète d’ailleurs de ce phénomène et de la multiplication des bars sur les pistes, sachant qu’une grande majorité des skieurs se rend dans les stations en voiture.Mais il est vrai que cette tendance concerne surtout les « usines à ski ». Pour éviter ces lieux de clubbing et de beuverie d’altitude, il suffit de privilégier des stations plus familiales et plus tranquilles (car heureusement, il en reste encore). D’ailleurs, dorénavant, j’irai batifoler dans la neige à La Fouly. Trois télécabines, pas de gros son, pas de folie. Juste la montagne!

La lente agonie des buffets de gare

Les buffets de gare sont en voie d’extinction en Suisse. Ils meurent les uns après les autres au gré des rénovations, dans l’indifférence générale. Adieu les mets de brasserie, les boiseries, l’ambiance sombre et feutrée, les banquettes en cuir usé, les peintures murales ou les hauts plafonds.

Dans la plupart des grandes villes de notre pays, les voyageurs fatigués et encombrés de valises ont perdu ces havres de paix hors du temps, remplacés par des bars-lounge, des self-service sans âme, ou des usines à hamburgers, dans lesquels on ne s’attarde qu’à contrecœur en attendant son train, résigné. Les retraités qui tapaient le carton, les ouvriers qui ouvraient leur journée à la bière ou au ballon de blanc n’osent plus trop y mettre les pieds. Ces lieux de vie et de rencontres improbables sont devenus aseptisés et impersonnels.

Avez-vous déjà bu un café dans le bistrot qui fait désormais office de buffet de gare à Genève? Le concept hybride avec sa décoration mi-italienne mi-américaine (façon route 66) laisse songeur. Il a, pour le pire, remplacé une cafétéria qui fichait déjà le bourdon. Alors, pour vous remonter le moral, allez donc faire un tour au buffet de la gare de Lausanne, encore préservé, où l’on peut déguster de la tête de veau ravigote à toute heure sur des nappes immaculées, sous l’œil attentif de serveurs aguerris magnifiquement habillés de grands tabliers blancs.

Quand par chance, dans une autre ville du pays, vos pas vous guident vers un vrai buffet à l’ancienne, prenez votre temps, savourez ce lieu peut-être lui aussi menacé d’être remplacé par une chaîne plus rentable, commandez un bœuf bourguignon ou une choucroute, et au besoin, ratez votre train. Des trains, il y en aura toujours. De vrais buffets, plus pour longtemps.

Texte publié sur http://www.bluewin.ch le 9.12.13 via ATCNA