Archives mensuelles : août 2013

Sonnez les matines !

L’occupation par une religion de l’espace sonore public jour et nuit est-elle contraire au principe de laïcité? C’est une question que j’ai eu le temps de me poser plusieurs fois, en tentant vainement de dormir dans la ville de Bulle ou dans le village d’Albeuve dans le canton de Fribourg. 

Impossible d’avoir une nuit entière de sommeil quand ces satanées cloches se mettent en branle tous les quarts d’heure entre 22h et 7h du matin. Ce « message » religieux imposé à tous est pourtant bien une véritable nuisance sonore, et un non-respect de la liberté de non-culte, qui devrait être autant respectée que celle de culte. 

Dans notre canton, les sonneries de cloches sont interdites la nuit communes de Genève, Carouge, Chêne-Bourg et Chêne-Bougeries, Dieu soit béni l’article 8 du règlement concernant la tranquillité publique. Ailleurs, on ne voit pas où est le problème, même quand les annonces des quarts d’heures et heures pleines sont doublées à 1 minute d’écart (au cas où on n’aurait pas eu le temps de bien compter les coups) ou complétées par un appel à toute volée de plusieurs minutes à 6h du matin (il y a une messe à cette heure-là, vraiment?). 

Pourtant, un peu partout en Suisse, des plaintes de riverains sont régulièrement déposées contre les sonnailles intempestives. En 2010, un habitant de Gossau (ZH) qui exigeait l’arrêt des sonneries nocturnes (il en avait compté 220 chaque nuit) a été débouté par le Tribunal Fédéral et a dû prendre à sa charge les 4’000 francs de frais de justice. «Les juges ont estimé que les décibels n’étaient pas assez forts pour changer une culture helvétique», nous informait à l’époque la presse locale. Le tribunal fédéral a estimé que « la tradition et l’intérêt général l’emportent sur l’intérêt des particuliers, et il refuse donc d’interdire les cloches durant la nuit, arguant qu’un tel arrêt vaudrait pour tout le pays ».

En juin de cette année, à Douanne dans le canton de Berne, les plaintes déposées ont été balayées par une votation à main levée qui s’est tenue dans l’église incriminée, remplie pour l’occasion de paroissiens motivés à maintenir la tradition. « Je suis content d’entendre les cloches la nuit », témoignait un habitant satisfait. « Un son de cloche n’est pas un bruit », argumentait un autre. 

A Winterthur, de nombreuses plaintes ont pu enfin aboutir à un compromis intéressant: les clochers des églises catholiques du Sacré-Cœur et de Saint Joseph seront isolés dans des caissons de verre et de bois afin de réduire le bruit des sonneries. 

Il reste que les plaignants sont souvent considérés comme des « emmerdeurs » et mis au ban du village, ce qui ne facilite pas ensuite leur vie quotidienne, même avec des nuits enfin calmes. Difficile de lutter contre une tradition séculaire, malgré la forte baisse du nombre des membres des églises chrétiennes ces dernières années (selon un sondage de l’Office fédéral des affaires étrangères). 

Alors, c’est décidé, dorénavant je ne dormirai plus hors du canton sans demander au préalable à l’aubergiste qui me reçoit: « les cloches de l’église sonnent la nuit, chez vous? ». Question qui risque d’avoir souvent une réponse positive, puisqu’une grande majorité des 5000 églises du pays se rappellent à notre bon souvenir 24 heures sur 24… La laïcité des nuits suisses n’est pas pour demain. 

J’ai rêvé des Fêtes de Genève

J’ai rêvé d’une bonne louche de terroir genevois avec un assortiment de spécialités du cru, de buvettes des associations et des milieux culturels plutôt que celles des boîtes de nuit et autres bars à champagne, d’expositions d’art et d’artisanat local, de bière genevoise plutôt que de pisse hollandaise, de longeole plutôt que de kebab.

J’ai rêvé d’une dose de Fête de la musique avec des groupes d’ici plutôt que des groupes de reprises d’ailleurs, de bals où l’on danse jusqu’à l’aube plutôt que de reggaeton assourdissant. 

J’ai rêvé du retour d’un joyeux corso fleuri relifté (avec des véhicules sans moteur), de guinguettes populaires sous des loupiottes de couleur plutôt que de terrasses VIP froides et guindées qui bouchent l’accès au lac. 

J’ai rêvé d’une once de suissitude façon 1er août, de jazz au cor des Alpes, de fanfares et de majorettes, de folklore en costumes, d’accordéon par une société locale.  

J’ai rêvé d’un chouïa de Fête des écoles pour faire briller les yeux des enfants, avec des animations originales au lieu de manèges désuets et bruyants, d’ateliers créatifs, de jeux participatifs et collectifs, de spectacles. 

Mais j’ai surtout rêvé de joie, de sourires, d’émerveillement, de découverte. 

Je me suis réveillée en me disant que c’était là que se retrouveraient sans doute Genevois et touristes, dans ce rêve et dans tous ceux que font aussi bon nombre d’habitants de notre canton au sujet des Fêtes de Genève. Imaginons des Fêtes vivantes, palpitantes, que nous serions fiers de présenter comme uniques et typiques de la région, une vitrine de ce que Genève peut proposer de meilleur, un patchwork de ses talents artistiques, de ses savoir-faire, de ses particularités, de ses engagements sociaux, humanitaires et culturels. 

Mettons-y et montrons-y notre coeur.