Archives mensuelles : février 2013

Coupable !

Je suis gênée. 

Bien sûr, j’apprécie d’étirer la nuit entourée d’amis sur le trottoir de la Bretelle ou du café de la Plage. Comme tout le monde, parfois je ris, je parle fort, je m’exclame. Les effets de la chaleur humaine combinée au Chardonnay bien frais me font parfois oublier que nous ne sommes pas seuls au monde. 

Car ensuite, quand on a enfin réussi à nous chasser du trottoir après avoir grapillé quelques moments supplémentaires de conversations devant les vitrines éteintes avec notre dernier verre transvasé dans un gobelet en plastique, je rentre chez moi, dans une calme et cossue commune périphérique, où aucun noctambule ne met jamais les pieds. 

Là, dans la nuit silencieuse et cotonneuse, fenêtre ouverte sur le bruissement d’un ruisseau, je m’endors le sourire aux lèvres, sans aucune pensée coupable, et sans empathie pour ceux qui continuent de subir les cris et les conversations animées, là-bas, sur les trottoirs du centre ville. Ma réalité s’est simplement déplacée, du bitume de la rue Vautier ou de la rue des Etuves, à mon cocon protégé de toute nuisance. 

Aujourd’hui, j’y repense. Combien d’habitants de ces rues ai-je involontairement agressés, exaspérés par mon insouciance? De combien d’entre eux ai-je gâché la nuit, puis par extension la journée du lendemain? Certes, les tenanciers des établissements que je fréquente ont souvent chuchoté à mon oreille, me rappelant la présence d’habitants ensommeillés. Certes, j’ai alors toujours baissé le ton… mais pendant combien de temps, avant la prochaine blague, la prochaine chanson révolutionnaire entonnée a capella? Je ne sais plus. 

Je n’ose pas m’insurger, me sachant coupable. Oui, à un moment où à un autre, j’ai été coupable d’égoïsme, d’excès d’alcool, de rire sonore. Je pourrais promettre de me faire discrète, de parler tout bas, mais n’est-il pas trop tard? Certains parmi mes bars préférés fermeront leur portes à minuit, la punition est tombée, et je la mérite, sans doute. La mort du centre ville n’est pas une fatalité pourtant, il suffirait de savoir faire preuve d’un peu de respect et d’intelligence. Si seulement ces deux qualités n’étaient pas solubles dans la boisson alcoolisée et les élans de l’amitié.