Archives mensuelles : juin 2012

Juste une seconde…

Ce soir à minuit s’insérera dans nos vies une seconde intercalaire, un instant aussi poétiquement appelé « saut de seconde », histoire d’ajuster le temps universel coordonné aux variations de la rotation de la Terre. La dernière en juin était en 1997.

Que signifie cette seconde de plus? Rien, me direz-vous, et pourtant, certaines choses ne demandent qu’une seconde pour basculer. Un accident pour une seconde d’inattention ou le dernier soupir vers le néant, mais aussi un baiser léger ou une caresse, la réalisation soudaine qu’on est amoureux, un « oui » murmuré en robe blanche, l’entrée d’un spermatozoïde dans un oeuf accueillant, un verre d’eau jeté, un bulletin glissé dans une urne, une signature au bas d’un contrat… Cela peut être aussi le moment idéal pour dire: « Allez, ça ne prendra qu’une seconde », et agir.

Entre 23:59:60 et 00:00:00, je consacrerai pour ma part un battement de coeur et une pensée à quelqu’un que j’aime, accompagnés d’un sourire fugace… Et vous, qu’allez-vous faire de cette seconde additionnelle?

Le dîner épicène

Cher-e-s ami-e-s, cher-e-s lecteurs/trices,

Vous êtes des humain-e-s intelligent-e-s. Ou du moins me plais-je à le penser. Vous ne devriez donc pas être démuni-e-s ni perdu-e-s devant l’affiche de la campagne de promotion du langage épicène. Non, certainement pas. Tout devrait être clair.

Rien que le mot « épicène », vous le pratiquez dans les dîners depuis quelques temps déjà. Oralement, vous vous êtes évertué-e-s à accueillir vos invité-e-s d’un « Bienvenue cher-e-s ami-e-s » marquant bien les tirets d’une respiration certes un peu saccadée et robotique, mais de circonstance. Même votre placement à table ne respecte plus la règle « un homme, une femme » destinée à faciliter les rencontres et à mélanger les sujets de conversation. Non, vous êtes un-e maître-sse de maison épicène et politiquement correct-e, vous aussi, et on s’assoit donc chez vous sans distinction de sexe.

Vous vous êtes pourtant malgré vous éloigné-e-s de vos conversations asexuées habituelles lorsque vous avez découvert cette fameuse affiche, affichant la « volonté » de la Ville de Genève. Elle vous a scotché-e-s. Car vous qui êtes si attentifs/tives à ne pas déraper, à placer consciencieusement des tirets partout pour y insérer de « e », vous vous êtes montré-e-s perplexes.

Vous y lisez « é = ée ». Et vous vous êtes légitimement interrogé-e-s. Vous n’avez jamais été fort-e-s en maths, mais vous connaissez la signification du symbole « = ». Ou, au pire, vous vous êtes référé-e-s à Wikipedia: « indique, en mathématiques, l’identité entre les expressions qu’il sépare ».

Et le dîner a mal tourné. Vous, humain-e-s civilisé-e-s, vous vous êtes écharpé-e-s. Deux écoles, deux camps se sont créés (nda: je suis désolée, là je ne peux rien faire, la grammaire est formelle, le mot « camp », masculin, l’emporte sur le mot « école », féminin, pour l’accord).

D’un côté, ceux/celles pour qui le message était évident, limpide. Vous étiez de l’autre côté, et n’avez rien compris à leurs explications alambiquées. Pour vous, si « é = ée », cela signifie que le masculin suffit à désigner les deux genres. « Je lis que si j’emploie seulement -é, cela vaut aussi pour -ée », puisque le premier est promu comme égal au second! », vous êtes-vous exclamé-e-s dans le brouhaha général.

Vous vous êtes tou-te-s (tous/toutes?) quitté-e-s fâché-e-s, campant sur vos avis et positions respectifs (nda: je n’ai pas pu résister au plaisir pervers de vous refaire le coup de la grammaire sexiste). Depuis, les dîners épicènes, c’est terminé.

PS: pardonnez-moi les éventuel-les mauvais emplois de barres latérales ou fautes de tirets présents (encore cette satanée grammaire qui bafoue les femmes…) dans ce billet, ma maîtrise du langage épicène étant pour le moins approximative.