Aujourd’hui, on ne doit pas seulement réussir sa vie. Il faut aussi s’assurer de réussir sa mort. Question de bon goût, car mourir est vulgaire, en soi. On laisse derrière soi une enveloppe charnelle encombrante, de la paperasserie ennuyeuse, et des proches qui doivent passer à la caisse entre deux sanglots.
Mourir est malheureusement également tristement banal. Tout le monde y passe. Alors, comment se démarquer, immortaliser le souvenir de son identité, laisser une trace de sa singularité?
En flattant son égo pré-mortem. Pour cela, les dispositions entourant le grand saut se doivent d’être originales, et même, pourquoi pas, gaies. Elles seront aussi anticipées, réfléchies et planifiées par le futur défunt lui-même. Mourir de son vivant, en somme.
Qu’ils soient angoissés ou fascinés par la mort, ne voulant pas imposer des démarches fastidieuses à leurs proches, cherchant du réconfort après un deuil, ou simplement curieux, les visiteurs affluent au « Salon de la mort! » de Paris ou encore au festival « Death: Southbank Centre’s Festival for the Living » de Londres. Oui, un festival, vous avez bien lu. Avec des pass 1 ou 2 jours à acheter en ligne.
« C’est la dernière fête que l’on aura avec ses proches, alors autant la préparer pour qu’elle soit réussie », argumentent les organisateurs du « Salon de la Mort » de Paris. Le cher disparu n’est plus une dépouille sur laquelle pleurer, mais l’hôte posthume d’une fiesta bien organisée. « Roger a le plaisir de vous inviter à son enterrement, amenez une bouteille pour la verrée », lira-t-on bientôt sur les faire-part.
Les tendances? Des cercueils personnalisés, en lien avec sa profession, sa passion. En forme d’avion (avec ailes rabattables), de voiture, ou en carton recyclé pour les plus écolos. Des « dernières demeures » dont on teste soi-même le confort, comme on le ferait pour un nouveau matelas, afin d’éviter d’être gêné aux entournures ou mal installé pour l’éternité.
Vous trouvez l’incinération plus propre, plus hygiénique que de pourrir dans une boîte, aussi élégante soit-elle? Choisissez une urne funéraire en forme de buste, votre buste, évidemment.
Tout cela est encore trop banal pour vous? Que diriez-vous de scintiller quotidiennement au doigt ou au cou de votre moitié éplorée, ou de porter votre grand-mère en boucles d’oreilles? Grâce à un processus chimique, il est aujourd’hui possible de transformer les cendres des défunts en carbone, puis en diamants. Un must!
Pour ma part, mon choix est fait: je serai à jamais un bijou dans une Louboutin géante. Ce sont mes dernières volontés.
0, que renaisse le temps des morts bouffis d’orgueil,
L’époque des m’as-tu-vu-dans-mon-joli-cercueil,
Où, quitte à tout dépenser jusqu’au dernier écu,
Les gens avaient à cœur d’ mourir plus haut qu’ leur cul.
Brassens, les funérailles d’antan