Archives mensuelles : novembre 2011

Gratuit pour les filles

Je ne suis pas un modèle de féminisme et je ne peux certes pas prétendre que mon attrait pour les « Louboutin » vertigineuses participe à la construction de nouveaux rapports sociaux entre les sexes.

Je tombe avec bonheur et certainement un peu de perversion dans tous les clichés: cheveux longs et éclaircis (une bonne demi-heure de lavage/séchage/lissage tous les matins), ongles manucurés (une heure et demi de papotage à l’institut chaque mois), talons hauts même dans un concert de rock (impossible de sauter en l’air en hurlant Lennyyyyyy), jamais de pantalons (budget collants faramineux).

Suis-je pour autant une victime des codes et diktats que notre société impose pour qualifier la Féminité? Ou sont-ce les hommes les vraies victimes de ces fameux codes? Il faut dire que ces caractéristiques leur font perdre la tête et faire absolument n’importe quoi. Enfin, pas n’importe quoi, plutôt exactement ce qu’on veut. Il faut le vivre au quotidien pour saisir le pouvoir de la fausse blonde à talons.

Pare-choc de la voiture qui précède légèrement embouti parce qu’on vérifiait son maquillage dans le miroir du pare-soleil? « Un constat? Oh non c’est rien, ça ne se voit même pas, ne vous en faites pas ».

Ticket de parking égaré après 8h de stationnement en sous-sol à Plainpalais? « Allez, normalement c’est 30.- mais filez dans votre voiture, je vous ouvre la barrière ».

Pas un centime en poche et carte EC non fonctionnelle une minute avant la fermeture à la station essence alors qu’on est gravement en manque de cigarettes Vogue menthe? « Je vous les offre, c’est ma BA du jour ».

Mais c’est rarement de la vraie drague, je vous assure. Le ton est plutôt paternaliste, presque protecteur. Une fausse blonde à talons et en détresse laisse rarement indifférent. C’est une petite chose fragile un peu perdue dans ce monde de brutes. Il est donc normal qu’elle ait quelques ratés logistiques.

Evidemment, il faut toujours accompagner le souci en cours d’un sourire contrit, d’oeillades enfantines, et adopter un ton de voix un peu plus aigu qu’à l’habitude. La « high heels blond attitude » étant tout aussi importante que la blondeur perchée elle-même. Une fois le problème balayé par l’Homme d’un revers de main, ne jamais oublier le « Vous êtes tellement gentil, c’est incroyable », comme s’il était le seul à vous avoir jamais sauvée. Alors que ça vous arrive en permanence.

Eviter toutefois d’ajouter « Je ne sais pas comment vous remercier », car l’Homme, lui, sait. Et le but est de pouvoir filer au plus vite sans constat/sans payer le parking/avec ses cigarettes. Pour rejoindre si possible celui qui voit au-delà de vos artifices et vous considère comme une égale, bien maligne de savoir si bien user de ses charmes pour surmonter les petits obstacles du quotidien.

La nostalgie du transat

Tout commence par un pique-nique géant… on s’émerveille de la tarte de ses voisins, parfois on a la chance d’en goûter une tranche offerte avec le sourire, on prête ici un couteau, là un tire-bouchon. Les odeurs de grillades, de fondues nous enrobent.

La journée s’étire, la lumière change, les tensions du travail, de l’école, de la vie en ville s’estompent. Un air de bonheur simple flotte dans l’air. Il y a foule, mais chacun trouve sa place, prend ses aises. On croise toujours un ami, un voisin, un collègue, on se fait de grands signes de loin, on se salue, on se verse un verre. Du côté du lac, on s’amasse petit à petit, on attend son transat en faisant la ola.

Le Mont blanc commence à prendre une teinte orangée, signe qu’il faut commencer à s’installer, à ranger le pain, à caler la bouteille de vin bien entamée à portée de main avant de l’égarer dans la pénombre. Le ciel s’assombrit, la magie du cinéma peut commencer. Mais, soudain, une musique connue résonne, des mots commencent à défiler sur l’écran, la grand-maman à notre gauche chantonne maladroitement «New york New York», prise de court par ce karaoké surprise. La rumeur monte, chacun donne de la voix à sa manière, dans sa tête, ou à tue tête.

Puis, instant suspendu, tout devient noir autour de nous… enfin presque. La rade illuminée vit au loin, les éclairages du Musée veillent sur nous. Le film nous enveloppe, nous transporte… comme on n’est pas dans une salle, on ose réagir, on applaudit le héros, on hue le méchant, on rit, on s’exclame… Pas de «chuuut, taisez-vous» ici! On ne dérange personne, car autour de nous, tout le monde fait de même et se laisse aller à ce partage d’émotions. Une vraie expérience collective.

Quand l’écran s’éteint, on ne bouge pas tout de suite, on ne se dirige pas vers la sortie, car il n’y a pas de sortie, et on est tous encore dedans. On savoure encore un peu le confort du transat, la chaleur de sa couverture, on finit la bouteille, tranquillement. Rien ne presse, pas de salle qui doit fermer ou compter sa caisse. Car pas de caisse non plus.

On se lève à regret… les yeux brillants, on salue encore quelques amis et on s’amuse de leur sourire béat, sans réaliser qu’on arbore le même. On remballe, on range, on plie…. longer le lac jusqu’à son vélo, son bus, sa voiture offre encore un petit répit avant de retourner dans la vraie vie, alors on ne presse pas le pas.

Mais que dis-je, c’était ça, la vraie vie!

Vivement l’année prochaine.

www.cinetransat.ch

Journal d’une blonde en politique

En début d’année, j’ai constaté que les conversations chez ma manucure étaient en train de prendre un nouveau tournant. Les potins de Voici étaient soudain délaissés et on ne parlait plus que de « celui qui faisait le pitre avant à la télé » ou de « celui qui a un nom pas de chez nous et qui ne sourit pas assez ».  Pour ne pas passer pour une idiote auprès des autres clientes lors de mes séances de retouches hebdomadaires, j’ai décidé de m’intéresser à la politique en Ville de Genève. Plus encore, de m’y investir.

Restait à choisir une famille politique. Un parti, c’est avant tout des idées, un programme, me direz-vous. Certes, mais avouez que c’est aussi une question de couleurs. Partout des ballons, des banderoles, des affiches, des écharpes. Du rouge, du vert, du bleu, de l’orange… Mon amie Brigitte, qui donne des cours de relooking, m’a donc suggéré de baser mon choix sur une analyse des couleurs qui siéraient le mieux à mon teint, selon la méthode dite des « saisons ». Après m’avoir jeté autour du cou toutes les couleurs de l’arc-en-ciel et leurs dérivés, il s’est révélé que j’étais de type « hiver », et que la couleur « amie de mon teint » était le rouge.

J’ai donc finalement adhéré au PSG, qui a le bon goût d’avoir les mêmes initiales que le Paris St Germain. Avec un peu de chance, les attaquants y auraient également le muscle saillant et le mollet puissant. Et effectivement, tous les samedis matin, place du Molard, quelques très bons joueurs semblaient foncer droit au but en distribuant des ballons. Surtout celui qu’ils avaient racheté à coup de millions au club Al-Ansar de Beyrouth.

Tout s’est compliqué quand j’ai reçu une enveloppe grise remplie de noms et de visages encore inconnus. Grâce au site internet Smartvote, bien mieux conçu que Meetic, j’ai pu découvrir avec lesquels de ces messieurs j’avais des affinités, et plus si Entente. Ayant complété dans les remarques personnelles que j’aimais manger, sortir en boîte et m’amuser, j’ai attendu qu’un certain Michel C. (qui avait sans doute inscrit les mêmes remarques vu notre taux de réponses communes) me contacte.

Mais aucune nouvelle. Il devait être trop occupé à chanter dans des vidéos kitsch. Par dépit, j’ai pensé sélectionner tous les candidats les plus mignons de tous les partis et les réunir sur une liste vierge. Tant qu’à faire, autant que mon destin de citoyenne soit entre les mains de beaux gosses. Mon coiffeur, bien qu’également séduit par cette perspective, m’a ramenée à la raison. il m’a fait remarquer que cela aurait le même effet que s’il me donnait un rendez-vous pour un brushing sans me réserver de fauteuil. J’ai donc voté « compact ».

La complexité de cette campagne m’a rappelé un jeu qui s’appelle « Twister ». On roule un dé, et on doit faire des grands écarts avec une main sur le rouge, un pied sur le vert, l’autre sur le bleu… certains semblaient avoir choisi la logique de ce jeu pour déterminer leurs alliances. L’embêtant avec Twister, c’est que les positions contre-nature qu’il implique révèlent parfois les dessous. Mieux vaut donc qu’ils soient propres.

Le joueur libanais que je soutenais a finalement marqué. L’ex futur maire de Genève a abandonné la musique, même s’il joue encore du ciseau. Je peux me consacrer aujourd’hui un peu plus assidûment à ma passion première, le shopping chez Louboutin.

Je ne vous laisserai pas dire que ce n’est pas la plus belle chanson du monde

Elle a de beaux yeux. Ca fait rêver Marc Lavoine, mais de loin. Il la sait seule sur terre, mais il n’a pas l’air de se bouger, le bougre.

Il faut dire qu’une pauvre femme larguée, un peu spéciale, et donc forcément célibataire, qui porte des jupes fendues et vit des aventures sans lendemain dans des draps inconnus, ça n’incite pas à la grande histoire d’amour. Tout juste au fantasme coupable.

Elle est triste, cette chanson, finalement. Deux êtres un peu paumés qui se dévisagent sans agir… Elle le fusille du regard, lui tend les mains. Rien.

Je crois qu’au bout d’un moment, le revolver de ses yeux s’enraye, car elle mord. Je mordrais aussi si un mec me regardait sans bouger, avec un regard de merlan frit lubrique.

Elle le supplie avec une insistance quasi mortelle, mais toujours rien. Ça commence à devenir lourd cette histoire. Ça me fait penser à l’autre là, qui bave sur la fille aux yeux menthe à l’eau, mais qui laisse un gros macho la brutaliser. Que d’la gueule, ces chansonniers.

Et dire que quand je sussurais cette chanson en me tortillant dans mes collants en dentelle et ma mini jupe en skaï avant d’aller en boîte, je pensais que c’était une chanson d’amour. Tout juste une histoire de cul par procuration. C’était en 1985, j’avais quand même 19 ans, j’aurais dû comprendre. Mais le brushing parfait de Marc aveuglait mon esprit critique.

Dans le dernier couplet, elle est toujours célibataire, malgré ses tirs répétés à l’encontre de Lavoine, qui lui a pourtant facilité la tâche en posant sur la pochette au centre d’un viseur de fusil à lunette. C’est sûr que si elle est postée en snipper sur le toit d’en face, ils vont avoir de la peine à se trouver.

Mais je ne vous laisserai pas dire que ce n’est pas la plus belle chanson du monde, car finalement, il la trouve belle quand elle dort. Ils ont conclu, il y a de l’espoir. Mais on ne sait pas si les draps s’en souviennent, car ça, c’est une autre histoire.

Facebook ou la mis en scène de sa propre vie

Son existence triée sur le volet, élaguée des mauvaises herbes pour se faire envier.

Ou au contraire épanchement malsain de tous ses maux pour se faire plaindre et croire se faire consoler.

Les compliments qu’on se fait, les approches amoureuses qu’on tente, les rendez-vous qu’on se donne, les lendemains qu’on commente, les conflits qu’on étale, les ruptures qu’on consomme. Sans pudeur, sur un mur.

Sa vie amoureuse notifiée au gré des fluctuations des « en couple » et des « célibataire », qui se suivent, se colportent.

Avouer que « c’est compliqué », comme si ça ne l’était pas toujours.

Ses photos de vacances, étalées comme dans une nostalgie des soirées diapos interminables des années 80, avec des amis pris en otage, sourires figés et commentaires contraints faussement émerveillés.

Ses enfants, son chien (mais plus souvent son chat), sa moto, son couple… choisis pour se définir, se profiler d’entrée.

Ses amis, étiquetés et catégorisés selon le degré d’intérêt qu’on leur porte. Devoir s’avouer ainsi qu’on se fout de ce que certains qui nous apprécient ont à dire, à montrer.

Ses ennemis, tout autant triés, dont on suit le flux pour y déceler des failles et s’y engouffrer.

Le lieu où « j’aime » ne veut plus rien dire. Aimer, aimer tout et surtout n’importe quoi, tout le temps, partout, chez n’importe qui.

Sauver d’un click la planète, les océans, les enfants qui meurent de faim. Ne pas oser ne pas cliquer, de peur de passer pour un salaud sans coeur.

Dénoncer les injustices et s’indigner sans effort, mais surtout pour que ça se voie.

(Se) promouvoir, (se) vendre, s’autocongratuler, en boucle.

Cirer des pompes, lécher des culs… pour se faire un « réseau ».

Une marée d’autoportraits dans des miroirs, de films de soi face à la webcam.

On est là pour soi, uniquement pour soi, pour façonner son visage à son gré dans ce livre virtuel à compte d’auteur.

Et c’est dans les méandres de ce réseau-là que ces mots ont été tout d’abord publiés. Mise en abîme. Vertige. Dégoût.

Mais on y retournera demain.